Bonjour,
au vu de la forte demande de ma recette du thé à la menthe via instagram direct, je décide de faire un article sur le cérémonial du thé et j’y décris ma façon de le préparer, telle que je l’ai toujours vu faire!
Je tiens à préciser qu’il y a différentes façons de le préparer selon les régions du Maroc.
Ici je partagerai avec vous ma façon de le préparer, comme on le prépare de Rabat à Khémiss Zemamra 🙂 , ma région d’origine.
Comme vous le savez sans doute, le thé à la menthe ou « ataye » en dialecte marocain est la boisson nationale au Maroc; elle est le symbole de l’hospitalité par excellence et passe avant le café.
Le thé à la menthe est bu en toutes circonstances qu’elles soient heureuses ou malheureuses. Le thé est roi dans les cérémonies comme les fiançailles ou mariages, dans toutes les fêtes mais aussi lors des veillées funèbres. Qu’il soit pris seul, en famille ou entre amis le thé est toujours apprécié.
Il réunit les gens qui s’aiment et rend le moment convivial inoubliable. Il inspire même des chanteurs marocains qui en font l’éloge! 🙂
Il rythme nos journées, et peut donc être bu à tout moment, le matin au petit déjeuner, au moment du goûter, avant et après un repas, que ce soit le midi ou le soir…
Selon les régions du Maroc, le thé ancestral n’est pas préparé de la même manière mais on peut remarquer toujours le même rituel. La préparation du thé est en soi facile mais elle requiert tout de même un certain savoir faire et c’est là où l’importance de la transmission des parents aux enfants prend tout son sens. L’art et la manière de le préparer est un héritage familial qui se passe de génération en génération.
Il est aussi important de maîtriser les différentes étapes à suivre ainsi que le bon dosage des ingrédients qui le composent que de choisir des ingrédients de qualité.
Les ingrédients de base sont le thé vert de Chine gunpowder qui doit être d’une excellente qualité, la menthe fraîche qui doit être également de bonne qualité et bien odorante (là aussi il existe plusieurs variétés de menthe et ma préférée se trouve au Maroc 🙂 ) et enfin le choix du sucre. Vous allez me dire le sucre c’est le sucre et il est partout pareil mais j’ai remarqué que le thé préparé avec le fameux pain de sucre, à la jolie forme conique, qu’on trouve partout au Maroc est bien meilleur et rappelle le thé bu tant de fois pendant les vacances au Maroc.
Il existe également ce que j’appelle les pierres de sucre, qu’on trouve également dans toutes les épiceries au Maroc et qui ressemble au petit morceau (rectangulaire) de sucre qu’on a en France mais en plus grand!
Ceci dit, le thé même non préparé avec ces deux types de sucre, reste excellent!
La réussite du thé tient donc au choix des ingrédients qui doivent être d’une qualité irréprochable, de même que le dosage des différents ingrédients a son importance et notamment le dosage du thé vert de Chine. Si l’on met beaucoup de grains de thé vert dans la théière, le thé risque d’être trop fort en goût et si, au contraire on en met peu, le thé sera trop léger et manquera de saveur. Le thé à la menthe c’est toute une alchimie, qui résulte du bon choix et du dosage équilibré des différents ingrédients. Il est bon de souligner que le choix des grains de thé vert est d’une importance capitale car tous les thés verts ne sont pas les mêmes. Effectivement, il existe différents thés verts de différentes marques et selon qu’on utilise une bonne ou une mauvaise marque, on aura un thé moins bon qu’un autre, que ce soit au niveau du goût, que de la couleur rendue…
(une photo montrant le plateau sur pied, que je sors toutes les fois où je suis nostalgique du Maroc)
Ma mère m’a toujours dit que la préparation du thé au Maroc, de son temps, était une affaire d’hommes.
C’étaient les hommes qui se chargeaient de cette délicieuse tâche et servaient la famille. Il y avait tout un cérémonial autour de la préparation du thé. On rapprochait auprès du maître de maison tout le nécessaire pour faire le thé. Tout d’abord, on allumait le brasero rond ou « majmarr » avec le charbon puis on approchait du préposé au thé, deux plateaux en métal argenté sur pieds, le petit plateau contenait les trois boîtes en métal, la grande contenant la menthe, la moyenne contenant les morceaux de sucre et la plus petite contenant les grains de thé vert. De même qu’on plaçait devant le chef de famille le grand plateau en métal argenté, avec, posés dessus les verres à thé ainsi que la ou les théières. Les membres de la famille installés sur des divans posés à même le sol, palabraient tandis que le chef de famille, s’occupait de surveiller l’eau qui bout dans la bouilloire « ma9rrach » sur le brasero. Plus tard, les réchauds à gaz comme ceux utilisés dans les campings mais en plus grands ont remplacé les braseros mais ces derniers sont encore utilisés dans certaines campagnes au Maroc et je trouve que cela rajoute du charme et de l’authenticité au cérémonial du thé.
Le thé aujourd’hui est en majeur partie préparé sur une gazinière et lorsqu’il est préparé dehors, à la campagne, il est préparé sur un réchaud à gaz.
Il est bon de souligner que les grains de thé vert doivent être impérativement rincés à l’eau bouillante avant de poursuivre la préparation du thé, cette étape est primordiale, car l’action de rincer le thé permet d’ôter la saveur amère du thé et de le nettoyer des impuretés.
Dans tous les foyers marocains, on trouve le service à thé de base qui se compose d’un plateau en métal argenté ciselé, du trio de boîtes en métal, assorties au plateau, de la théière en métal argenté et des verres à thé. Dans le placard, vous trouverez forcément un paquet de thé vert de Chine.
J’ai de beaux souvenirs du cérémonial du thé gravés dans ma mémoire. Je me souviens encore de la maison de ma grand-mère, au fin fond de la campagne, entourée de figuiers de barbarie et d’un long mur en pierres.
Je revois cette pièce qui était la chambre de mes parents, avec au fond un grand lit et devant, le long des murs, de jolis tapis tissés à la main, sur lesquels étaient posés de grands coussins qui permettaient de s’adosser au mur. Ma grand-mère réunissait la famille au complet dans cette pièce.
Mon oncle était en charge de préparer le thé, il s’asseyait près de la porte. Je revois encore le brasero rond aux charbons ardents devant la porte et aux pieds de mon oncle les deux plateaux sur pieds.
Tandis que la famille échangeait des paroles créant un doux brouhaha, l’oncle et père de famille s’activait à préparer le thé, en prenant son temps, et avec des gestes assurés, rodés.
Je le vois encore rincer la théière avec l’eau fumante, doser au creux de sa main les grains de thé qu’il plaçait au fond de la théière, échanger deux ou trois paroles avec l’assemblée et attirer son attention. Je le revois encore dans mes souvenirs lointains, froisser entre ses doigts la menthe fraîche et l’enfoncer avec les morceaux de sucre dans la théière. Le moment est précieux, l’attente est amoindrie grâce aux échanges de paroles, ponctuées de rires ou de stupéfactions. Le chef de famille veillait sur la théière, attendant le moment crucial de la première ébullition qui fera monter le thé, qui menacera de s’échapper de la théière et là, d’un geste ferme et assuré il empoignera la théière d’une main avant que le thé ne s »échappe.
Ensuite s’ensuivait ce rituel de transvaser le thé de la théière au verre et vice versa. Ce geste était répété trois fois et il servait à mélanger le sucre dans le thé, à homogénéiser le tout.
Je me souviens encore de cet oncle exhibant un sourire satisfait verser un fond de thé dans un verre qu’il portait ensuite à sa bouche pour goûter le précieux breuvage (Il s’agit de savoir s’il manque ou non du sucre dans le thé. Autrefois, le thé était préparé avec beaucoup de sucre à tel point qu’on avait l’impression de boire un verre de sucre, aujourd’hui, la tendance est de réduire ce sucre).
Une fois le thé bien dosé en sucre et infusé, je me souviens de ce moment où l’oncle remplissait les verres en allongeant son bras dans un geste majestueux et j’appris plus tard que ce geste n’était en rien anodin, bien au contraire, il servait à oxygéner le thé.
Les verres remplis de cette boisson enivrante, aux délicieuses effluves de menthe qui venaient exciter nos narines, arboraient une jolie mousse blanche qui contrastait à merveille avec la couleur du thé. Appelée « rezza » ou turban, cette mousse est le signe que le thé vert est d’une excellente qualité et donc que le thé à la menthe est réussi.
On ne commence à boire le thé, qu’une fois que tout le monde est servi. Le verre de thé est passé d’une personne à l’autre jusqu’à ce que tout le monde ait son verre devant lui et là, inutile de vous dire qu’à ce moment précis, tous les sens sont en éveil.
Le moment du thé est un moment où l’on se pose et on prend le temps de siroter le breuvage encore chaud avec délectation.
Je précise que le thé à la menthe est généralement bu alors qu’il est encore brûlant. L’hiver, il réchauffe et l’été il désaltère. Cette boisson chaude est magique! 🙂
L’hiver quand la menthe se fait rare, il est d’usage de préparer le thé sans cette dernière et pour la parfumer on y ajoute bien volontiers un peu d’absinthe, très odorante. Si vous utilisez de l’absinthe, sachez qu’il faut l’utiliser avec parcimonie car son goût est très prononcé et surtout pensez à la tremper dans un verre d’eau bouillante avant de l’égoutter et de la plonger dans la théière.
Il existe plusieurs variétés de thés verts, plusieurs marques et il m’arrive d’utiliser le thé vert parfumé au jasmin, c’est une pure merveille. Certains rajoutent des fleurs fraîches d’oranger dans le thé à la menthe pour varier les plaisirs. On peut également rajouter des feuilles de verveine et là on obtient un thé curatif.
Passons à la recette:
RECETTE :
Ingrédients : pour une théière contenance 6 verres)
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eau bouillante (1, 5 litre d’eau)
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une bonne poignée de menthe fraîche
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1 c à s et demi de thé vert de Chine (en ce moment j’utilise le thé vert de la marque « chakour extra fin gunpowder »)
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du sucre à votre convenance (j’ai mis 3 morceaux « pierre de sucre » du Maroc)
Préparation :
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Trier les feuilles de menthe, couper les tiges en deux ou trois. Les rincer sans s’attarder pour que la menthe garde son délicieux parfum. Poser la menthe rincée et égouttée sur un torchon propre pour la sécher.
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Chauffer de l’eau dans une bouilloire jusqu’à ébullition. C’est très important, l’eau ne doit pas être très chaude mais bouillante.
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Rincer la théière en y versant l’équivalent d’un demi verre d’eau bouillante. Jeter cette eau.
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Mettre au fond de la théière rincée, les grains de thé vert.
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Verser dessus de l’eau bouillante jusqu’à couvrir les grains de thé (environ l’équivalent d’un verre à thé d’eau). Faire des mouvements circulaires afin de rincer les grains de thé vert. Verser cette première eau de rinçage dans un verre qu’on jettera (on jette l’eau hein? pas le verre! 🙂 ) Cette eau est de couleur jaune et trouble.
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Verser à nouveau de l’eau sur les grains de thé qui ont subi un premier rinçage, attendre une minute et comme dit précédemment, effectuer des mouvements circulaires, en tournant la théière dans le but de rincer les grains de thé. Vider l’eau de rinçage dans un verre. On constate que l’eau est noire. Jeter cette eau. Garder les grains de thé vert au fond de la théière. A présent ils sont débarrassés des impuretés et des tanins qui rendraient le thé amer.
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Remplir alors la théière à moitié d’eau bouillante.
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Ajouter la menthe « na3na3 » et par-dessus les morceaux de sucre à votre convenance.
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Finir de remplir la théière avec de l’eau bouillante jusqu’à recouvrir la menthe.
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Poser la théière sur le petit feu de votre gazinière et laisser chauffer à feu doux jusqu’à ce que le thé à la menthe menace de s’échapper de la théière comme le ferait le lait qu’on chauffe jusqu’à ébullition. Assurez-vous toujours que la menthe ne déborde pas, enfoncez-la avec une petite cuillère car si elle dépasse, ses feuilles noirciraient. Cette étape consiste à « cha7arr barrade diyall attaye » 🙂
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Afin d’homogénéiser le thé à la menthe, que le sucre soit bien mélangé, il est important de verser le thé dans un verre et le remettre dans la théière et répéter cette opération trois fois!
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Servez votre thé à la menthe dans un joli plateau, et versez cette boisson chaude et bienfaisante dans de jolis verres, en adoptant la gestuelle qui s’y prête. Il faut verser le thé d’abord proche du verre puis on allonge le geste en montant le bras pour redescendre et finir de remplir le verre. Ce geste est crucial et garant d’un beau verre de thé à la menthe, servi dans les règles de l’art.
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Admirez la jolie mousse , la belle écume blanche formée en surface (« rezza » ou « turban ») et portez le verre à votre bouche pour vous délecter de ce délicieux breuvage. Le parfum de la menthe vient chatouiller vos narines et la dégustation se termine en apothéose. Vos sens sont en émoi.